La Muse Chapter 9
LA MUSE
Chapitre 9
Par David Inutookaminoma
Le vent léger chargé d’embruns marins s’invitait auprès de Soan et Meike qui avaient déployé le matelas gonflable sur la terrasse de la villa face à l’océan.
Chacun d’eux, nu, s’efforçait de pousser l’autre à l’explosion en multipliant les caresses buccales. Chacun d’eux luttait pour repousser le moment fatidique de l’éjaculation. Soan soufflait fort ; Meike venait de le conduire à l’onctueuse seconde où une giclée de sperme s’échappa de son pénis. Dans un effort incroyable, Soan reprit la maîtrise en mordant dans un oreiller. Il sentit la langue de Meike lécher ces quelques gouttes de sa semence tombées sur son ventre.
Meike renifla sa peau, guidant ses narines de son ventre à son cou, puis à son aisselle qu’il lécha tendrement.
Ce fut au tour de Soan de se pencher sur Meike. Ce dernier miaula fort quand les lèvres de son ami prirent ses testicules, l’une après l’autre pour les masser buccalement. Puis le photographe fixa sa muse droit dans les yeux. Il le tenait ! Du bout de l’index, il longea son pénis excité, sentant ses pulsations échapper à tout contrôle.
Meike couvrit son visage de ses mains, soufflant fort. Il émit un puissant râle lorsque la bouche de Soan avala entièrement son pénis, restant immobile tout en appliquant sur son membre une pression fantastique comme s’il le tétait. Meike se battait pour résister : d’une main, il tapa le matelas. De l’autre, il prit les cheveux de Soan. Son corps s’agitait de tremblements incontrôlés. Il ouvrit grand la bouche et, lorsque son jus monta en une abondance puissante tout son pénis et se déversa dans la bouche savoureuse de son compagnon, il lâcha un cri guerrier. Il lâcha tant de sperme qu’il en glissa des lèvres de Soan.
Celui-ci, ensuite, prit le temps de nettoyer le ventre de son compagnon avant de l’embrasser pendant un long et délicieux moment.
Le smartphone de Soan sonna. D’un coup d'œil, il lut la mention : “Samira”. Son sang ne fit qu’un tour :
“Désolé Meike, je dois prendre cet appel !”
Il bondit et répondit :
“Salut, Samira ! Comment vas-tu ?... Bien merci !... C’est gentil : je viendrai vous voir en rentrant de vacances… Pardon ?”
Depuis le matelas gonflable, Meike vit que le regard de Soan se concentrait sur lui. Il ne comprenait rien de sa discussion en français. Pourtant, il lui parut évident qu’il parlait de lui avec cette Samira. Mais que disait-il ? Se vantait-il d’avoir un mannequin dans son lit ?
Les traits sur le visage de Soan révélaient de la satisfaction et une forme de joie contenue.
Meike se dressa en position assise quand Soan mit fin à son entretien. Son ami marcha vers lui, posa son smartphone sur le sol et l’obligea à s’allonger. Il bloqua ses poignets sur le lit, s’assit sur son abdomen et le fixa dans les yeux :
“J’ai une confidence à te faire. Il y a quelques jours, j’ai transmis certaines de tes photos à des contacts.”
“Tu me l’as caché ?” dit Meike, mimant un reproche.
“Oui parce que j’ignorais totalement ce que cela pouvait donner. L’appel que je viens de recevoir va changer beaucoup de choses, Meike.”
Soan se tut, s’amusant du regard empli de curiosité de son ami. Celui-ci libéra une de ses mains et lui flanqua une tape sur une fesse :
“Arrête de me torturer : que se passe-t-il ?”
“Tu es attendu dans deux jours à Paris pour un entretien d’embauche avec une des plus grosses agences du secteur. Ils ont des bureaux à Séoul et à New York !”
Silence. Meike analysait les mots de son ami. Avait-il bien entendu ? Ne rêvait-il pas ?
“Pince-moi ! Dis-moi que c’est réel !”
Soan se pencha sur sa poitrine et embrassa passionnément un de ses tétons qui se raidit.
“Tu es bien réveillé. Il faut présenter ton book.”
“Mon book n’est pas prêt !”
“Ah tu crois ça ? Tu penses que je me tournais les pouces chaque matin ?”
Meike tenta de bouger ses poignets que Soan avait à nouveau bloqués, et fut pris d’une furieuse envie de le serrer contre lui. Mais ce dernier l’en empêcha. Tout son corps se débattit en vain. Soan avait de la force.
“Ne déconne pas avec moi !”
“Je ne déconne pas : tu as rendez-vous à Paris après-demain à 9h00.”
“Mais il faudrait que je passe chez le coiffeur…”
Soan opposa à la panique naissante de Meike, sa sérénité, telle la montagne face au vent, ou la sagesse face à l’impatience.
“Je vais passer quelques coups de fil : tout va bien se passer.”
“Il me faut des fringues !”
“Tu as déjà ce qu’il faut ici ! Je vais prévenir que j’achète le costume CK, la chemise Boss, les derbies et deux cravates.”
“Non ! Tu ne vas pas faire ça : c’est à moi de payer.”
“Si tu y tiens, tu me rendras l’argent. Meike, tout va bien !”
“Laisse-moi te prendre dans les bras, s’il te plaît !”
Quand il fut blotti contre Soan, Meike renifla son odeur corporelle, sema une dizaine de baisers sur sa poitrine et dans son cou, ponctués de mercis.
Soan prit le visage de son ami entre ses mains et, droit dans les yeux, demanda :
“Si tu signes ce contrat, signeras-tu pour l’agence d’escort ?”
“Probablement pas…”
“Si tu signes ce contrat, viendras-tu vivre avec moi ?”
“Probablement.”
“Probablement ?”
Meike sourit, resserrant son étreinte.
“Oui… mais il va falloir qu’on demande des dépistages MST.”
“Je suis d’accord.”
“Je veux qu’on soit libérés de tout doute sur ce sujet…”
“Oui, je suis d’accord d’autant que j’ai déjà oublié le préservatif une fois…”, précisa Soan.
“Mais que c’était bon !”
Soan se tut, scrutant le moindre trait du visage de Meike, caressant du bout des doigts ses sourcils, ses paupières et ses lèvres.
“Tu sais quoi ? On va aller dormir.”
“Je n’ai pas sommeil…” rétorqua Meike.
“Il faut dormir, Meike : demain nous devrons nous lever tôt et faire une longue route pour rentrer chez moi.”
“Départ à quelle heure ?”
“Cinq heures.”
“Bon sang ! Ça va piquer !”
Calme, Soan échangeait en ligne avec un jeune homme auquel il avait proposé de poser pour quelques photos érotiques. Sa rousseur marquait son visage d’un soupçon de sensualité et lui conférait un charme plus saisissant que le garçon ne l’imaginait lui-même. Celui-ci avait le trac mais son enthousiasme prenait malgré tout le pas. Il convenait avec le photographe des derniers détails de leur rendez-vous.
Dans le hall de l’agence, une femme vint vers Soan, lui remit une tasse de café bienvenue avant de s’asseoir pour partager cet instant avec lui.
Samira était une très jolie femme d’origine marocaine qui lui aurait certainement tourné le cerveau s’il avait été hétérosexuel. Elle admirait les créations photographiques de Soan et le travaillait avec acharnement pour le convaincre d’entrer à l’agence. Ils avaient fini par en plaisanter et devenir amis.
Obstinément, Soan continuait de refuser ses offres par peur de perdre son indépendance.
La porte d’un bureau s’ouvrit. Soan maîtrisa son élan de joie quand il vit apparaître Meike entouré du directeur de l’agence, le beau Matthias, trentenaire furieusement sensuel, et de la secrétaire de ce dernier qui remit une liasse de documents à Meike ainsi qu’un torrent de sourire. L’Allemand, discrètement, leva un pouce à son intention. Soan pinça ses lèvres pour étouffer le cri de fierté qui remontait de ses poumons.
Matthias, souriant en voyant Soan, vint vers lui d’un pas dynamique pour lui serrer la main.
“Tu as bien fait de nous proposer ses photos ! Elles étaient incroyables : quand viens-tu travailler avec nous ?”
“Jamais !”
“Non, tu ne peux pas répondre ça. Tu aurais un très bon salaire.”
“Mais je perdrais ma liberté.”
Matthias sourit, regarda Samira :
“Faut le convaincre de travailler avec nous… Et si on t’engageait pour des missions ? Juste des missions !”
“Faut voir…”, grimaça Soan sous les yeux duquel Meike reçut une accolade de Matthias et de chaleureux vœux de bienvenue.
Les deux amoureux, qui avaient convenu de ne rien laisser transparaître de leur relation, attendirent d’être assez éloignés de l’agence pour sauter dans les bras l’un de l’autre. Ils s’embrassèrent fougueusement, tout sourire.
“Ils m’ont laissé le reste des vacances”, informa Meike tandis qu’ils marchaient vers le parc de stationnement où retrouver la Yaris de Soan. “Par contre, après, je décolle pour un mois à Séoul.”
“Un mois ! Zut ! Comment vas-tu faire pour résister aux beaux Coréens ?”
“Hey ! Je suis avec toi, maintenant. Je n’ai pas l’intention d’aller voir ailleurs. Je vais devoir rentrer à Hambourg pour récupérer mes vêtements.”
“Pourquoi ne pas demander à te les faire expédier ? Je te rappelle que nous sommes supposés retourner en vacances.”
“C’est vrai… J’émets une requête pour notre retour à la villa !”, exigea Meike en prenant Soan dans les bras. “Il n’est pas question que tu travailles.”
“Tu sais parfaitement que je ne peux pas faire ça. Je suis tout seul : il faut bien gérer le courrier et les commandes !”
“D’accord mais pas plus d’une heure chaque jour. Tout le reste du temps, tu es à moi.”
Ils sourirent.
Progressivement, le visage de Soan redevint sérieux. Dire que quelques jours auparavant, encore, il ne voulait même pas entendre parler d’amour.
Arrivé à la maison, Soan souleva Meike qui éclata de rire, le porta avant de le renverser sur le lit. Meike s’accrocha tant à lui qu’il l’entraîna dans sa chute. Ils roulèrent sur le côté, face à face, l’un caressant le visage de l’autre.
“Un mois sans toi, ça va être dur”, dit Meike.
“Je vais tellement te sucer que tu n’auras pas assez d’un mois pour relancer la production de sperme !”
Soan partit dans un fou rire tonitruant, laissant bien volontiers Meike ouvrir sa braguette.
Un mois…
Un mois sans la chaleur corporelle de Meike contre sa peau, sans son odeur, sans sa bouche. Un mois de pensées constantes ponctuées de petites provocations de son ami postant en privé des vidéos de lui sous la douche.
À l’autre bout du monde, l’absence de l'autre creusait le même manque, les mêmes frustrations. Meike aimait jouer avec les nerfs de son ami resté en région parisienne.
“Je te présente Cha Ha-Joon, mon habilleur !”
Il adjoignit une photo de l’intéressé, mélange de Cha Eun-wo et de Choi Beom-gyu, pour appuyer son propos.
“T’es sérieux ? C’est ton habilleur, celui qui te voit plus souvent que moi à poil en ce moment ?”
“Et me fait du rentre-dedans !”
“Je prends l’avion dès demain !”
À la réception du message, Meike rit de bonne humeur.
“C’est toi que j’aime.”
“Mouais…”
Le lendemain matin, au réveil, Soan reçut une vidéo de Meike en train de se masturber.
Un mois… Un mois beaucoup trop long ! Mais, lorsqu’il toucha à sa fin, il parut pourtant avoir été si court.
L’agence avait envoyé un taxi pour accueillir Meike à l’aéroport et le déposer à l’agence. Il fut libéré aussitôt pour une semaine. Il se précipita en métro pour surprendre son Soan, auquel il avait menti à propos de son heure d’arrivée.
Il sonna chez son compagnon pour lequel la soirée commençait juste, qui lui ouvrit, surpris en caleçon et tee shirt par cet impromptu retour. Meike se jeta sur sa proie, bouche sauvage, les mains plongeant immédiatement pour dégrafer son pantalon qui tomba sur ses chevilles. Il poussa brutalement Soan en arrière, le pressant pour s’asseoir sur sa chaise de bureau, délogea son pénis hurlant d’excitation, baissa son propre shirty avant de chevaucher Soan qui entra en lui. Leur agitation fut brève, juste mécanique. Soan éjacula très vite en Meike, qui à son tour s’abandonna sur le tee shirt de son compagnon.
Dans leur situation, Meike dominait Soan, le chérissait de baisers et de caresses, inondait son visage de sourires comme la chute d’eau arrosait la vallée assoiffée.
Quand ils furent douchés, ils passèrent commande de repas cuisinés japonais et prirent place dans le canapé, Meike tendrement adossé à Soan.
“Alors… Comment va Mr Cha ? Il te fait toujours du rentre-dedans ?”
“Un jour, il a posé sa main sur mon épaule alors je lui ai dit qu’on était ensemble. Le pauvre s’est incliné une dizaine de fois en répétant “joesonghabnida” ! J’en étais gêné. On est devenus potes.”
“Tu as été tenté ?”
“Je suis avec toi, Soan. Je n’irai jamais avec un autre homme tant que ce sera le cas. Mais…, Mr Cha est vraiment…”
“...bandant !”
“Grave ! Il est beau et raffiné.”
Soan le repoussa des deux mains :
“Dégage !”
Ils rirent de bon cœur. Puis Meike devint sérieux :
“L’agence coréenne fait pression sur Paris pour me garder de façon pérenne à Séoul.”
Soan sourit :
“Ça ne m’étonne pas. Toi, qu’en penses-tu ?”
“Je ne veux pas qu’on soit éloignés l’un de l’autre de façon pérenne.”
“Vas-tu te décider à me poser la question?”
Meike fit bien face à Soan, les yeux dans les yeux, prit ses mains.
“Veux-tu me suivre à Séoul ? Veux-tu qu’on vive ensemble à Séoul ?”
Un mois et quelques jours plus tard, dans le quartier de Seodaemun, dans la banlieue de Séoul, Meike et Soan déménageaient dans un hanok combinant respect du cadre local plutôt traditionnel et modernité, bordé par la nature.
Dans une température torride, seuls pour la première fois dans leur nouvelle habitation après trois semaines d’éloignement puisque pour son travail Meike avait rejoint Séoul avant Soan, ils étaient allongés face-à-face, sur leurs flancs, dégoulinant de sueur, souriant, les jambes et les mains entrelacées. Leurs chuchotis se mariaient parfaitement à l’ambiance autour d’eux. Leurs rires discrets pétillaient comme des bulles dans une coupe de Champagne.
Du bout de son index, Meike longea les traits impeccables du visage de Soan.
“고마워[1], Soan Hō!”, dit-il dont les yeux se plissèrent alors que Soan cherchait ses mots.
“고마워 내 사랑[2]”, prononça prudemment Soan d’une voix chatoyante.
“Bravo ! Je suis fier de toi… Tu as vite appris !”
Leurs bouches s’enlacèrent tendrement.
“사랑해.[3]”, soupira Soan avant de replonger entre les lèvres de Meike.
FIN
[1] “Gomawo” (en coréen romanisé) : “Merci”
[2] “Gomawo nae salang” (en coréen romanisé) : “Merci mon amour”
[3] “Salanyè” (en coréen romanisé) : “Je t’aime”